5. La convention d’actionnaires
Vous avez constitué votre société par actions et vous êtes maintenant coactionnaire avec plusieurs amis. Mais attention: être coactionnaire d’une société, c’est un mariage d’affaires. Et comme pour le mariage, il est préférable de régler certaines questions lorsque tout va bien, c’est-à-dire dès le début des activités de la société. C’est l’objectif d’une convention d’actionnaires.
En effet, vous ne voulez surtout pas perdre le contrôle de la société (I) au profit d’autres actionnaires qui pourraient venir s’ajouter par la suite. Il en va de même pour votre pouvoir de vote (II).
I – Garder le contrôle !
La gestion de la société par actions est assurée au quotidien par les administrateurs. Le contrôle de la société par les actionnaires est minime puisque, généralement, il y a une seule assemblée des actionnaires par année. Les administrateurs ne sont, en principe, pas liés à un actionnaire en particulier. Ils ne peuvent non plus s’engager à voter pour ou contre telle ou telle décision. Cependant, la convention d’actionnaires peut venir poser des règles afin de vous assurer qu’au moins un des administrateurs soit le représentant de vos intérêts au sein du conseil d’administration.
Elle peut aussi vous permettre de limiter les pouvoirs du conseil d’administration en s’appropriant le pouvoir de prendre certaines décisions et de lier leur vote par avance. On parle ici, par exemple, du pouvoir d’émettre des actions ou encore du pouvoir de déclarer des dividendes. Toutefois, attention : le principe selon lequel les administrateurs sont tenus d’agir dans l’intérêt de la société est toujours applicable même si ce sont les actionnaires qui exercent les pouvoirs du conseil d’administration. Bien entendu, le plus souvent, l’intérêt de la société va de paire avec l’intérêt des actionnaires.
II – Conserver son pouvoir de vote et la valeur de ses actions
En principe, l’organe de gestion de la société, le conseil d’administration, est libre d’émettre de nouvelles actions dans les limites imposées par la Loi. Mais, lorsqu’aucune limite n’est imposée à une telle émission d’actions, cela peut affecter le pouvoir décisionnel que vous avez au sein de la société. De quelle manière?
Le plus grand risque est la dilution de la participation initiale de l’actionnaire. En effet, imaginons que vous avez 100 actions de catégorie « A » dans la société. Le conseil d’administration vient émettre 100 nouvelles actions de la même catégorie. Votre participation au sein de la société vient de passer de 100 % à 50 %. Ainsi, plus le nombre d’actions d’une catégorie augmente, plus votre pouvoir décisionnel diminue. Cela a également un impact sur la valeur de vos actions puisque le pouvoir de vote et la valeur des actions sont intimement liés.
C’est pourquoi on vient accorder un droit prioritaire aux actionnaires de la société dans une convention d’actionnaires pour leur permettre, lors de l’émission de nouvelles actions, de les acquérir en priorité. On vient ainsi limiter à la fois la dilution du pouvoir de vote et la présence de tiers (nouveaux actionnaires) dans les affaires de la société.
Une fois que vous avez réglé ces questions, il faut passer à la rédaction de la convention d’actionnaires proprement dite. Faire appel à un juriste devient alors indispensable.
Les enjeux de la convention d’actionnaires sont très importants pour garder le contrôle de votre société et votre impact décisionnel au sein de celle-ci. Comment traduit-on une telle protection au sein d’une convention d’actionnaires ?
III- Nature et stipulations contenues dans une convention d’actionnaires
On distingue généralement deux types de conventions d’actionnaires :
- La convention dans laquelle les actionnaires viennent protéger leurs droits relativement à leurs actions.
- La convention dans laquelle les actionnaires viennent restreindre voire retirer les pouvoirs du conseil d’administration.
Ces deux types de conventions ne sont pas régies par les mêmes règles mais elles peuvent s’avérer complémentaires l’une de l’autre. On vous recommande donc de faire deux documents distincts.
La rédaction d’une convention d’actionnaires se fait au cas par cas et certaines peuvent être plus complexes que d’autres. Toutefois, on y retrouve généralement les stipulations suivantes :
- restrictions sur le transfert des actions : On vient ici exiger le consentement des autres actionnaires lorsque l’un d’entre eux décide de transférer (par vente ou donation) ses actions.
- en cas de décès ? Si un des actionnaires venait à décéder au cours de l’activité de la société, ce serait ses héritiers qui deviendraient propriétaires de ses actions, et par le fait même, actionnaires de la société. Or, les coactionnaires voient généralement d’un très mauvais œil la présence de tiers au sein de leurs affaires. Afin d’éviter une telle situation, on insère une clause à l’effet que les héritiers auront l’obligation de vendre les actions aux coactionnaires de la société. On prévoit également la souscription d’assurances-vie croisées afin de permettre aux coactionnaires d’effectuer un tel rachat sans avoir d’incidences monétaires.
- valeur des actions : Il ne s’agit pas ici de fixer une valeur prédéfinie par un montant fixe, mais plutôt d’établir un mécanisme permettant de déterminer la valeur des actions dans le cas d’un transfert par un ou plusieurs actionnaires.
- non-concurrence : Lorsque l’un des actionnaires vient à quitter la société, les coactionnaires restant ne souhaitent pas que celui qui vient de quitter fasse concurrence à la société en ouvrant un commerce dans le même domaine. Des règles s’appliquent pour la rédaction d’une telle clause. Elle doit d’une part être limitée dans le temps et d’autre part être limitée dans l’espace, c’est-à-dire à un niveau territorial donné. On stipule également une pénalité journalière en cas d’infraction qui a souvent un effet dissuasif.
- ententes quant au vote de certaines décisions : Comme on l’a vu plus haut, cette clause permet d’établir un certain contrôle sur la société. Il ne faut toutefois pas oublier que les actionnaires ont le devoir d’agir dans l’intérêt de la société, même dans une telle situation.
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