Le Canada est une nation bâtie sur l’immigration. Les canadiens sont donc habitués depuis toujours à vivre de vastes flux d’immigration. Le pays est d’ailleurs reconnu comme un pionnier en matière de politiques multiculturelles.
Ce qui est moins connu, c’est que l’immigration est une compétence partagée entre le gouvernement fédéral et le provincial. Ainsi, c’est l’accord Canada-Québec de 1991 qui encadre ce partage de responsabilités et qui délègue au gouvernement Provincial la capacité de déterminer annuellement le nombre d’immigrants qui seront admis dans la province de Québec et de définir les critères de sélection des candidats avant de prendre en charge l’accueil et intégration de ces nouveaux arrivants.
Contrairement aux immigrants des années 1950, ceux qui sont arrivés au Canada au cours des dernières décennies possèdent généralement des niveaux de scolarité assez élevés. D’ailleurs, le système de sélection des immigrants se fait dans une grille de points et accorde une grande importance aux critères de scolarité, d’expérience de travail et de la connaissance d’au moins une langue officielle. La logique repose sur le principe que l’application de ces critères de sélection accroît l’employabilité des nouveaux arrivants et facilite leur transition sur le marché du travail.
Le Québec accueille chaque année plus de 50 000 immigrants qui proviennent de plus de 200 pays à travers le monde. Ces nouveaux arrivants sont souvent hautement qualifiés et arrivent au Québec bardés de diplômes et/ou de réelles qualifications professionnelles acquises dans leur pays d’origine. Alors comment expliquer que le taux de chômage chez les immigrants reste bien supérieur à la moyenne nationale en dépit d’un niveau de formation en moyenne plus élevé ? En 2011 par exemple et selon Statistique Canada (voir tableau), le taux chômage des immigrants avoisinait les 12 % dans la tranche d’âge 25-54 ans alors que le taux moyen pour la province était de 6,5%.
En fait, il faut comprendre que tout nouvel arrivant est confronté à plusieurs obstacles et difficultés au niveau de l’emploi lorsqu’il pose ses bagages en terre québécoise.
Les connaitre et les appréhender lui donnera plus de chance de réussir son intégration professionnelle. Quels sont ces principaux freins ?
La demande d’expérience professionnelle québécoise
Plusieurs employeurs vont exiger la fameuse expérience de travail québécoise. Quelles raisons les poussent à formuler cette exigence ? : la connaissance du marché du travail québécois et de ses formations, les aptitudes et expériences nécessaires à l’emploi, l’acculturation au lieu de travail, la méconnaissance des systèmes scolaires, des études, des formations et des entreprises étrangères. Certains employeurs pensent que le nouvel arrivant doit passer par un processus de socialisation au marché du travail québécois et à sa culture, mais considèrent le coût trop élevé pour leur compagnie. Posséder l’expérience de travail québécoise alimente au final un cercle vicieux où l’immigrant ne peut acquérir une expérience de travail alors que celle-ci lui est nécessaire pour être employable.
Absence de réseaux et contacts professionnels limités en arrivant
80 % des emplois disponibles au Québec sont cachés et non affichés. Un grand nombre de recrutements se fait par le bouche-à-oreille ou par relation. Or, le réseau professionnel du nouvel arrivant est souvent très limité voire inexistant. Le « réseautage » est très développé au Québec et l’ explication en est historique : lorsque la province a été fondée, la population a construit des colonies composées de villages aux maisons très éloignées les unes des autres, ce qui les obligeaient, pour être informés de la vie de la communauté, de savoir « ce qui se passait chez le voisin » afin d’optimiser l’entraide en cas de besoin. Tout le pays étant à bâtir, les nouveaux arrivants y contribuèrent en privilégiant la communication et le contact entre proches.
Développer un réseau de contacts fait donc partie du processus normal d’insertion dans le nouveau milieu de vie et cette démarche importante exigera patience et détermination. Mais elle sera forcément payante à moyen terme si vous vous donnez les moyens d’y arriver. Et en la matière, il ne faut négliger aucun réseau que ce soit ceux de vos voisins, ceux que l’on développe à l’école des enfants, et évidemment celui des autres membres de son propre pays d’origine qui sont arrivés avant vous.
La non-reconnaissance des diplômes, de l’expérience professionnelle et les ordres professionnels
Un autre obstacle important à l’intégration des immigrants au marché du travail concerne la dévaluation du capital humain acquis à l’étranger. Certaines professions et certains métiers nécessitent la certification d’un ordre professionnel pour pouvoir pratiquer dans la belle province. L’immigrant exerçant une profession ou un métier réglementé (heureusement seulement 20 % y sont assujettis) doit donc passer au travers d’un processus de certification plus ou moins long et complexe selon le pays d’obtention de son diplôme et sa profession. Avec la France, des arrangements de reconnaissances mutuels (ARM) ont été signés et cela arrange grandement les choses.
Mais dans certains cas, l’ensemble des études réalisées à l’extérieur du pays ne sera pas reconnu. Avec une reconnaissance partielle ou nulle des études, les immigrants doivent donc suivre un nombre important de cours pour compléter la formation suivie à l’étranger ce qui a pour conséquence de retarder l’insertion au marché du travail.
La reconnaissance des diplômes est souvent aussi un incontournable. Les employeurs qui ont des difficultés à évaluer eux-mêmes la réelle valeur de la formation suivie par l’immigrant, auront parfois tendance à écarter les candidats ayant des diplômes obtenus de l’étranger faute de savoir les positionner au regard de leurs besoins.
Par ailleurs, il existe aussi un problème lié à la non-reconnaissance de l’expérience professionnelle acquise à l’étranger. Les nouveaux arrivants entrent donc sur le marché du travail canadien privé d’une grande partie de l’ensemble des aptitudes, et expériences accumulées parce que ceux-ci ne sont pas reconnues alors que ce sont leurs formations et expériences qui leur ont ouvert les portes à l’immigration !
Méconnaissance des cultures et discrimination
Certains québécois ont une méconnaissance des autres cultures due en partie à la situation géographique du Québec. On est ici en Amérique du Nord, dans une monoculture nord-américaine liée au fait que le seul pays voisin sont les États-Unis. Cette méconnaissance peut se traduire par une peur de l’autre et peut conduire à des cas de discrimination pour les emplois ne requérant aucune grande compétence en communication orale ou écrite. Que ce soit conscient ou non, on ferait donc face à une discrimination basée sur le nom. Or, cet exemple n’est peut-être que la pointe de l’iceberg. La discrimination apparaît constituer un obstacle à l’intégration des immigrants sur le marché du travail canadien.
Surqualification et salaire plus faible
Salaires plus faibles, taux plus élevés de contrats de travail à temps partiel, de postes temporaires et de surqualification : voici le portrait des travailleurs immigrés réalisé par Statistique Canada et relaté dans le rapport “Les immigrants et le marché du travail québécois en 2011” publié en octobre 2012 par le Ministère de l’immigration et des communautés culturelles. On observe notamment que, en comparaison avec les travailleurs nés au Canada, les immigrants récents sont beaucoup plus touchés par la surqualification.
Et maintenant ?
Le constat peut paraître un peu difficile en première lecture mais nous avons fait de la transparence une véritable ligne de conduite et faisons nôtre la règle qui veut qu’un homme averti en vaut deux. Il faut être conscient qu’une immigration réussie ne se fait pas toujours dans la plus grande facilité.
Être bien informé et savoir à quoi s’en tenir vous incitera à mieux vous préparer et à lancer votre démarche de recherche d’emploi en prenant le bon angle d’attaque. A titre d’exemple, prendre un “petit job” en-deçà de vos qualifications professionnelles pour débuter et acquérir rapidement une expérience de travail québécoise est souvent plus payant que de vous obstiner et de perdre vos illusions à obtenir tout de suite le job idéal…
Et le bon côté des choses est qu’au Québec, une fois en place et si vos performances sont remarquables, votre employeur saura vite en tirer le meilleur parti en vous faisant évoluer vers de nouvelles responsabilités. Votre carrière est alors peut-être bien lancée !